Pape François

(Présence-info) Le pape François a profité de sa visite officielle sur l’île de Lesbos, en Grèce, pour créer la surprise et ramener avec lui au Vatican douze réfugiés syriens musulmans.

Les autorités vaticanes se sont bien gardées de révéler aux médias l'intention du pape de rentrer en Italie en compagnie de trois familles syriennes, le 16 avril. C'est donc dans le plus grand secret que s'est effectué l'embarquement de ces réfugiés à bord de l'avion du pape.

La machine à rumeurs s'est cependant emballée dans les médias grecs, quelques heures avant que l'avion pontifical ne s'envole pour l'Italie. Ce n'est qu'au moment du décollage de l'appareil que les autorités vaticanes ont confirmé aux médias que douze réfugiés prenaient bel et bien place dans l'avion du pape. Près de la moitié de ces réfugiés sont des enfants de moins de 18 ans (le plus jeune d'entre eux est âgé de 2 ans et le plus vieux est âgé de 17 ans).

Une migration préparée de longue date

Ce processus de migration est le fruit d'une négociation entre la Secrétairerie d'État du Vatican, le gouvernement italien et les autorités grecques. Le Saint-Siège a en effet dû obtenir les autorisations légales de la part des gouvernements concernés avant de procéder à l'embarquement des réfugiés à bord de l'avion pontifical. Le Vatican s'est également engagé à soutenir financièrement ces familles de réfugiés lors de leur installation en sol italien, de concert avec la Communauté de Sant'Egidio, elle-même basée à Rome.

Selon le Vatican, ces douze réfugiés sont arrivés en Grèce avant le 20 mars, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de l'entente entre la Turquie et l'Union européenne - entente ayant pour effet de refouler vers les rivages turcs la grande majorité des nouveaux demandeurs d'asile qui débarquent en sol européen.

Une prière à la mémoire des réfugiés

Le pape François a passé la matinée de samedi dans un camp de réfugiés, à Mytilène, sur l'île de Lesbos. Il a alors pris la mesure du désespoir qui accable ces hommes, femmes et enfants. Le pape s'est ensuite joint à une cérémonie de prière en compagnie de deux dignitaires de l'Église orthodoxe : le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartolomé Ier et l'archevêque d'Athènes, Ieronymos II. Les trois chefs spirituels ont alors tourné leurs regards et leurs prières en direction de la mer Égée, où plusieurs centaines de réfugiés ont trouvé la mort en tentant de gagner l'Europe.

Selon les données colligées l'Organisation internationale pour les migrations, plus de 150 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Grèce depuis janvier 2016. Or, 366 personnes sont mortes en tentant de franchir la mer Égée.

«Bien que beaucoup de leurs tombes soient anonymes, chacun d'eux est connu, aimé et chéri de toi [Seigneur]. Puissions-nous ne jamais les oublier, mais honorer leur sacrifice plus par les actes que par les paroles», a proclamé le pape dans une prière à la mémoire des migrants morts en mer.

«Dieu miséricordieux et Père de tous, réveille-nous du sommeil de l'indifférence, ouvre nos yeux à leur souffrance, et libère-nous de l'insensibilité générée par le confort mondain et l'égocentrisme», a ajouté le pape.

François a également ajouté que «nous sommes tous des migrants».

François a récité cette prière en compagnie du patriarche Bartolomé Ier et de l'archevêque Ieronymos II, les yeux tournés vers l'horizon, depuis le port de de Mytilène, sur l'île de Lesbos. Les deux chefs spirituels orthodoxes ont également récité des prières à la mémoire des migrants, avant de jeter dans les eaux de la mer Égée des rameaux de laurier préalablement bénis.

Un appel à la solidarité

Le pape a rendu hommage à la générosité et aux sacrifices des Grecs qui ont prêté main forte à des milliers de migrants et de réfugiés malgré la crise économique et les mesures d'austérité qui touchent leur pays.

Au plus fort de la crise migratoire, l'an dernier, des milliers des personnes ont tenté de fuir la guerre, la pauvreté et les violences sectaires qui accablaient plusieurs pays du Moyen-Orient, dont la Syrie et l'Irak. Face à une telle marée humaine, les Européens et leurs gouvernements ont été saisis d'effroi, ce qui est tout à fait normal dans les circonstances, disait alors le pape. D'autant que plusieurs de ces réfugiés parlaient des langues, professaient des religions et étaient issus de cultures très différentes de celles des Européens.

Dans le discours qu'il a prononcé dimanche, sur l'île de Lesbos, le pape s'est cependant empressé de rappeler aux Européens que «les réfugiés qui se trouvent sur cette île et en divers endroits de la Grèce vivent dans des conditions critiques, dans un climat d'anxiété et de peur, parfois de désespoir, en raison des difficultés matérielles et de l'incertitude de l'avenir».

Le pape semonce les Européens

Le pape juge certes «compréhensibles et légitimes» les inquiétudes des gouvernements européens quant à la possibilité d'accueillir et d'intégrer tous ces gens. Or, ajoute-t-il, «il ne faut cependant jamais oublier que les migrants, avant d'être des numéros, sont des personnes, des visages, des noms, des histoires».

Il a rappelé aux Européens que «l'Europe est la patrie des droits humains, et quiconque pose le pied en terre européenne devrait pouvoir en faire l'expérience; ainsi il se rendra plus conscient de devoir à son tour les respecter et les défendre».

Il s'est cependant empressé de saluer les habitants de l'île de Lesbos, lesquels ont fait la preuve que leur pays est non seulement «un berceau de civilisation», mais aussi une contrée «où bat encore le cœur d'une humanité qui sait reconnaître avant tout le frère et la sœur, une humanité qui veut construire des ponts et qui renonce à l'illusion de construire des enclos pour se sentir plus en sécurité».