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(Présence-info) «Trop souvent les Québécois, lorsqu'ils se tournent vers leur passé, le regardent, s'en horrifient et disent: ‘heureusement, ce n'est pas comme nous’. Nous étudions le passé pour nous féliciter de nous en éloigner», déplore le sociologue Mathieu Bock-Côté.

Chroniqueur au Journal de Montréal, au Figaro et animateur, depuis peu, à la station Radio VM, Mathieu Bock-Côté estime que cette attitude n'annonce pas «une nation très forte».

«Notre nation a tendance à s'arracher une part importante d'elle-même, à assécher ses racines, à assécher même, ce que l'on appelait autrefois, l'âme d'un peuple», a-t-il déclaré lors du lancement, à Montréal, du plus récent numéro de la revue catholique Le Verbe, dans lequel il publie une réflexion de six pages intitulée Le mythe toxique de la Grande Noirceur.

«On m'a dit que le titre était provocateur. Je l'ai trouvé, quant à moi, d'une banalité...», a-t-il lancé lors d'une courte présentation. «Il devrait être banal de dire que cette notion de Grande Noirceur est une notion toxique, qui obstrue l'accès des Québécois à leur propre passé.»

Le sociologue, auteur de La Dénationalisation tranquille, se considère comme un des «héritiers heureux de la Révolution tranquille, une page lumineuse de notre histoire. La Révolution tranquille représente un moment d'émancipation collective, nationale et sociale. C'est aussi un moment d'émancipation politique, bien qu'il demeure aujourd'hui inachevé.»

«Comprenne qui voudra», a-t-il ajouté, amusé, à la centaine de personnes présentes lors du lancement de ce numéro consacré à l'histoire.

«Mais je n'ai jamais cru que pour chanter la Révolution tranquille, il soit nécessaire de diaboliser ce qui l'a précédée, de vomir le passé canadien-français, de le présenter à la manière d'une grande noirceur écrasante qui n'aurait rien d'intéressant à nous apprendre sinon qu'elle ne nous ressemble pas.»

Dans le texte qu'il a rédigé pour ce numéro de la revue Le Verbe, il estime qu'il faut déconstruire certains mythes. «Un de ces mythes est celui voulant que l'Église catholique n'aurait eu qu'une présence négative dans notre histoire, qu'il s'agissait d'un corps étranger dont nous nous serions délivrés en 1960 pour notre plus grand bien.»

L'intellectuel souvent critiqué pour la place de choix qu'il accorde aux valeurs identitaires nationalistes et conservatrices dans son discours reprend ainsi des idées qui circulent dans les cercles universitaires depuis de nombreuses années déjà.

«Qu'on ait ou non la foi, il est possible de se réapproprier cette mémoire afin de renouer avec, ce que j'appelle, une mémoire de la continuité. Nous pourrons alors développer une mémoire de la réconciliation, qui puisse tenir ensemble, dans une même histoire, qui est celle d'un même peuple, le passé pré-1960 et celui de la Révolution tranquille.»

«Lorsque nous serons capable de réconcilier ces deux mémoires, on pourra dire que l'identité québécoise pourra connaître une forme de renaissance», a conclu Mathieu Bock-Côté. Son intervention, qui n'aura duré que trois minutes, a été fortement applaudie.