Montréal

Vendredi saint, des détenus, ex-détenus, itinérants et ex-itinérants se sont rassemblés à la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes, au centre-ville de Montréal, pour mettre en scène l’épisode de la Passion du Christ.

Source - par Alexis Drapeau-Bordage - 11 avril 2023

Pour cette édition, 18 acteurs ont incarné silencieusement les différents personnages bibliques. En incluant toute l’équipe technique, la préparation des costumes et des décors, 32 personnes ont participé cette année au projet.

«Je sais comment ils ont travaillé fort, je sais qu’ils ont chacun leurs occupations et leur préoccupation de détresse de vie, mais pendant tout ce temps-là ils sont descendus d’eux-mêmes pour se centrer sur Jésus et lui rendre leur action de grâce», souligne l’abbé Guy Bérubé, vicaire de la chapelle.

Les voix et la narration étaient assurées par des lecteurs, alors que les personnages se promenaient dans l’église en mimant les différents événements survenus lors de la Passion.

La mise en scène ne se limitait pas qu’au jeu des acteurs. Une chorale accompagnait aussi plusieurs passages, tels cet Ave Maria chanté lorsque Marie découvre son fils cloué sur la croix.

L’église de la rue Sainte-Catherine était pleine pour cette représentation qui a duré près de 90 minutes.

Sortir de la rue

En plus de la commémoration de la souffrance de Jésus, l’événement a servi à témoigner de la souffrance très actuelle de l’itinérance à Montréal.

Diane, une ancienne itinérante, a témoigné de son vécu dans la rue. Maintenant dans la soixantaine, elle a raconté sa vie, de son enfance difficile aux prises avec un père violent et dépendant à l’alcool, à sa sortie de l’itinérance grâce à l’œuvre de Présence Compassion.

Adolescente, elle tombe dans la drogue et quitte la maison à l’âge de 17 ans. Elle enchaîne alors une relation abusive avec un homme et des confrontations avec sa mère, la laissant sans nulle part où aller.

«Je me suis retrouvée dans la rue. J’étais épuisée. Quand j’ai vu qu’il n’y avait plus de place pour moi, je suis allée dormir dans un parc avec mes sacs», témoigne-t-elle. Puis elle a commencé à fréquenter des centres d’hébergement pour femmes, où régnait une ambiance de chicane et où elle dormait avec peine.

Les places d’hébergement étant limitées, elle a été contrainte de dormir dans des appartements abandonnés ou sur le trottoir. «J’ai souvent dormi sur le terrain de cette chapelle», ajoute-t-elle.

Durant ses années dans la rue, Diane a perdu beaucoup d’amis «qui sont décédés soit de froid, de suicide, de drogue et autres». Prise de désespoir, elle s’est finalement tournée vers Dieu et a rencontré Daniel Paradis, responsable de Présence Compassion, qui l’a aidée à se remettre sur pieds. Elle peut désormais déclarer fièrement que «depuis quelques mois, j’ai un appartement subventionné, j’ai un emploi et je m’en sors grâce à Dieu».

Un financement difficile

Il y a 22 ans que Daniel Paradis a fondé cet organisme qui assure une relation d’aide, que ce soit dans la rue, à domicile, à l’hôpital, en prison ou dans ses locaux. On y fait prévention, intervention et suivis en plus d’organiser des repas pour les personnes dans le besoin et des sorties en nature.

Nommé aumônier laïque de la rue, Daniel Paradis s’assure que Présence Compassion soit une œuvre confessionnelle, malgré les complications que ce statut engendre pour son financement.

Pour les organismes confessionnels comme le sien, explique-t-il, il est plus difficile d’avoir un financement du gouvernement. Il ne dépend donc que des dons des particuliers et de certaines communautés religieuses pour fonctionner.

Ces jours-ci, Présence Compassion craint aussi de perdre ses locaux. Un changement récent de propriétaire pourrait forcer le groupe à quitter le 1083, rue Saint-Denis.