Montréal

Mardi matin 19 avril, toute la cathosphère était en alerte : Alain Faubert, curé de la paroisse Saint-Germain à Outremont, venait d'être nommé évêque auxiliaire pour l'archidiocèse de Montréal, aux côtés de Mgr Thomas Dowd, pour soutenir Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal.

Ce matin-là, Mgr Faubert se trouvait à une journée de ressourcement biblique pour les prêtres montréalais. Guitare à la main, il a bien accepté de se livrer, en toute intimité.

À quel moment avez-vous su la nouvelle? « En fait, le Nonce apostolique du Canada, Mgr Luigi Bonazzi, m'a appelé le 13 avril, tôt le matin... Je n'étais pas du tout préparé à ça! Je ne peux pas raconter tout en détail, mais... c'est sûr qu'il a fallu que je me mette à genoux et que je parle un peu avec Mgr Bonazzi...

« Il ne m'a pas dit tout de suite la nature de son appel ; il a commencé par me parler de la situation à Montréal... La situation, comme bon nombre de mes confrères, je la connaissais! On en avait parlé tous ensemble lors d'une assemblée, et Mgr Lépine disait qu'on « attendait des évêques auxiliaires », que ça s'en venait quoi... Mais, jamais, au grand jamais, je n'aurais pu me douter que mon nom circulait!

« Vous savez, c'est le genre de démarches qui se fait assez discrètement... Bon! C'est certain que y'a du monde autour de moi qui vont devoir me dire ce qui s'est passé! Je sens qu'on m'a fait des cachoteries!, s'exclame-t-il en riant. Y'a des gens qui cachent bien leurs jeux!

« C'est sûr que j'ai été très étonné! Il s'est passé deux choses dans mon esprit : j'ai pris conscience que le mérite n'a rien à voir là-dedans... Je me suis dit : «Mais qu'est-ce que c'est ça!? Ben voyons donc! » En même temps, je prenais conscience de la puissance de la grâce de Dieu dans tout ça. C'est ça qui est arrivé, sur le coup, presque simultanément : prendre conscience que je ne suis qu'un pauvre pécheur et prendre conscience de la puissance de la grâce de Dieu.

« Ma première impression, émotion, ça été de m'abandonner... Je suis un disciple de Charles de Foucault. J'ai donc tout de suite récité sa prière d'abandon... après ça... il y a eu... »

Mgr Faubert ne pouvait plus parler. Sa gorge, visiblement, était nouée. Il fixait le sol. Les yeux pleins d'eau. Sa main serrait la mienne, dans un beau silence.  

« ... Après ça... lança-t-il, le regard brillant, il y a eu une grande paix en mon cœur, en mon âme... Alors ça, ça voulait dire « oui »... Oui, Seigneur, j'accepte! Et puis, après, l'autre phrase qui m'est montée s'est : « Quoi qu'il arrive. Quoi qu'il arrive, Seigneur, tu seras à mes côtés. »

« À partir de là, j'étais en paix. Une grande paix. Je suis parti discrètement pour Ottawa pour rencontrer le Nonce. Sur le chemin, j'avais un urgent besoin de prier. Par bonheur, j'avais apporté avec moi un disque de Taizé. La prière de Taizé m'a accompagné jusqu'à Ottawa.

« Dans nos obscurités, allume Seigneur, un feu qui ne s'éteint jamais. Jésus, le Christ, lumière intérieure. Ne laisse pas mes ténèbres me parler. Tous ces chants-là... des Alléluias aussi, des chants d'Action de grâce.

« Je suis arrivé à Ottawa dans la paix. Mgr Bonazzi est un homme de cœur, chaleureux, amical, plein de miséricorde du Seigneur. Je n'étais pas le premier qu'il voyait arriver comme ça!

« La première chose qu'on a faite : on a prié ensemble. C'était bon que ce soit la première chose à faire... J'ai pu passer quelque temps dans la chapelle de la nonciature.

« Cette première journée, je l'ai donc passée à accueillir cette nouvelle. Je ne peux pas dire que sept jours plus tard, je suis au fait de la situation... Je crois que je ne réalise pas encore. J'ai rencontré Mgr Lépine en lui faisant l'annonce moi-même, et il s'en est réjoui spontanément! Il était visiblement heureux de m'accueillir. Ces jours-ci, on se rencontre souvent pour planifier tout ce qui s'en vient... tout va très vite.

« Moi, j'apporterai ce que je suis. Je crois profondément à la beauté de l'Église à Montréal, de sa diversité, de ses expressions, de sa culture. On a la mission de travailler à la réconciliation, à la paix. Je crois que les gens en ont besoin.  

« Je devrai éventuellement quitter Saint-Germain, les gens avec qui j'ai vécu tant de belles choses... Ce sera un arrachement... ça c'est certain... »

Les yeux de l'homme se voilaient doucement encore une fois, mais il devait retourner chanter avec sa guitare...

Sauvé par la cloche.

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L'ordination de Mgr Faubert aura lieu le 15 juin prochain.