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Quelle est la peine qui vous affecte - 29 mars 2020

Homélie - Dimanche, 29 mars 2020

5ème Dimanche de Carême - Année A (Jn 11, 1- 45)

Quelle est la peine qui vous affecte?

 

En ces temps que nous traversons, quelle est la peine qui vous affecte?

On peut expérimenter différents types de peine, l’une d’entre elles peut être celle de perdre un être cher. Ces jours-ci, de trop nombreuses personnes parmi nous ressentent cette peine, car elles ont perdu un être cher dans ce contexte particulier où les possibilités de rassemblements ou de prières en commun sont très limitées sur le plan public.

Donc, cet élément vient comme augmenter notre peine, c’est comme une peine nouvelle. C’est un peu comme si, au moment où quelqu’un quitte la vie terrestre, on a l’impression que cela se passe encore plus dans l’inconnu et, pour la plupart des personnes, ce départ passe encore plus inaperçu.

Mais soyons conscients que Dieu demeure toujours proche de chaque personne. Au moment même de la mort, Dieu est plus que jamais auprès d’elle comme il est plus que jamais proche de chaque personne qui souffre. C’est au moment de la mort que Dieu est le plus proche de cette personne, c’est au moment où elle nous quitte que Dieu est le plus proche d’elle. Le moment où Dieu est vraiment proche de quelqu’un, c’est ce moment particulier où elle se trouve dans la peine, particulièrement lorsqu’elle vient de perdre un être cher.


Parmi les autres types de peines auxquelles nous devons faire face, on pourrait citer la peine de l’insécurité dans laquelle nous sommes actuellement plongés. Par exemple, on expérimente une grande peine liée à l’insécurité par rapport à notre santé, car chacun se demande s’il court le risque d’être contaminé ou d’être atteint par ce virus. On ressent également de la peine en imaginant la probabilité que quelqu’un dans notre famille puisse devenir malade à cause de ce virus.

À tout cela s’ajoute la peine concernant l’insécurité économique, où se profile la possibilité de perdre son emploi. Et si on l’a effectivement perdu ou si l’on est plongé dans un processus de licenciement, on est en plus dans le doute de recevoir l’aide dont chacun aurait besoin pour faire face à l’adversité. De nombreuses autres peines peuvent s’immiscer dans notre vie quotidienne, chacune d’entre elles pouvant être directement liées à cet épisode de pandémie auquel nous sommes confrontés.

Est-il possible d’aller de l’avant, est-il possible de ressentir cette peine en nous et, en même temps, de demeurer dans l’espérance?

Dans l’évangile, lorsqu’on voit Jésus comment Jésus se comporte, on comprend qu’au fond de lui, il sait qui il est. Il affirme clairement qu’il est le Seigneur. Il est le Seigneur qui est la vie, il est le Seigneur qui donne la vie, il est la résurrection et la vie.

Et pourtant, lorsqu’il se rend au tombeau de son ami Lazare, il est dans la peine. Il est dans la peine et il pleure parce que, lorsqu’il a choisi de prendre la condition humaine, il s’est fait vraiment proche de notre humanité! Il ne plane pas loin au-dessus de notre humanité, il se fait proche de notre humanité. Et aujourd’hui encore, il veut se faire proche de chacune de nos peines.

Quelle que soit la peine que vous traversez, n’hésitez jamais à la présenter au Seigneur qui désire vraiment se faire proche de nos peines. Lorsque Jésus vivait en Palestine, il n’a pas refusé de ressentir la peine, il a voulu comprendre et expérimenter ce que représente la peine afin de se faire proche de nos peurs et de nos peines.

En effet, le Père aurait pu éviter à son fils de ressentir de la peine, il aurait pu se dire qu’il allait « de toute façon le ressusciter, donc Jésus n’aurait pas eu besoin de ressentir aucune espèce de peine en sachant ce qui s’en venait ». Mais non, il n’en a pas été ainsi. Il n’y a aucun doute que la peine que nous ressentons est réelle, la peine qui habite notre cœur, notre âme, notre corps et notre esprit est bien présente. Cette peine est réelle et elle nous touche au plus profond. Actuellement, nous sommes plongés dans une peine réelle, quelle qu’en soit la forme qui se manifeste à nous. Et Jésus désire plus que jamais se faire proche de nous et de notre peine.


Mais en même temps, nous devons garder espoir car cette peine qui nous habite n’aura pas le dernier mot.

Lorsqu’on est dans la peine, on a l’impression que c’est elle qui aura le dernier mot. Lorsqu’on est dans l’incertitude on a l’impression que l’insécurité aura le dernier mot. Lorsque l’on fait face à la mort, on a l’impression que la mort aura le dernier mot. Lorsque nous ressentons de la peine, lorsque nous ressentons nos propres fragilités, lorsque nous sommes exposés à la maladie ou à la mort, nous nous demandons si cette peine, si la maladie ou la mort auront le dernier mot.

Par sa résurrection et par son pouvoir de vivre, Jésus Christ vient nous manifester son amour, il vient nous communiquer et nous révéler que c’est la vie qui aura toujours le dernier mot. La vie humaine peut bien traverser de nombreuses peines, la vie, la vie éternelle aura le dernier mot, elle aura toujours le dernier mot et c’est elle qui aura le dernier mot. Il en est de même avec l’amour! Qu’il s’agisse de l’amour humain, de l’amour vécu en famille ou de l’amour de solidarité vécu dans la société, l’amour aura toujours le dernier mot!

Actuellement, la peine peut nous rejoindre de différentes façons. Par exemple, si on fait une analogie avec le hockey, on sait qu’il y a presque toujours un joueur blessé dans une équipe de hockey! L’important est que les joueurs ne soient pas tous blessés en même temps! C’est pour cette raison que les joueurs d’une équipe de hockey peuvent se soutenir de part et d’autre. Celui qui est blessé a autant quelque chose à apporter qui celui qui ne l’est pas, car celui qui est en forme a lui aussi quelque chose à apporter.

La question que l’on pourrait alors se poser est la suivante : en ce temps de souffrance que nous traversons, où la peine semble si puissante, comment pouvons-nous continuer à être solidaires les uns des autres? À ce titre, on pourrait parler de solidarité sur le plan social, mais aussi de la solidarité sur le plan familial. En général on parvient à vivre une forme de solidarité à un niveau ou à un autre. Mais la situation que nous traversons nous invite à aller plus loin, à nous rendre encore plus loin. D’une manière ou d’une autre, nous sommes contraints à respecter une certaine distanciation physique, alors que nous pourrions plus que jamais ressentir la nécessité de se rapprocher les uns des autres. En découvrant peut-être une autre façon de procéder, « autrement » comme on aime dire aujourd’hui.

Mais la vie ne s’est pas arrêtée! La distanciation physique est importante, elle est même indispensable. Respecter le confinement est très important. En respectant aussi bien la distanciation physique que le confinement, nous manifestons une réelle forme de solidarité envers les autres. Il en est de même lorsque nous demeurons en quarantaine, si la situation le requiert.

Mais la vie ne s’arrête pas là! La vie continue, d’une façon différente peut-être. Alors, comment rester en relation les uns avec les autres? Comment continuer à montrer notre solidarité envers les autres? En étant concrets : vous connaissez certainement de nombreuses personnes, alors n’hésitez pas à les appeler. Appelez ne fut-ce qu’une personne par jour. Chaque jour, appelez au moins une personne que vous connaissez. Si vous êtes seuls vous aussi, faites l’effort d’appeler quelqu’un chaque jour!

En cette période d’incertitude, certains parmi vous sont déjà habitués à utiliser les médias sociaux, à recourir aux médias sociaux pour rester en contact les uns avec les autres. Prenez tous les moyens possibles pour utiliser la radio dans ce but car la radio est toujours présente dans notre vie, s’en servir est une façon « classique » de se rendre présent aux gens.

À une certaine époque, on ne disposait que de la radio, mais c’est aussi grâce à elle que les gens étaient solidaires les uns aux autres! La télévision peut elle aussi représenter une autre façon d’être solidaires envers nos prochains. Donc, nous pouvons trouver plusieurs façons de demeurer solidaires les uns des autres, pour se redire combien l’on pense les uns aux autres. Pour montrer que l’on prie les uns pour les autres et que l’on ne s’oublie pas.

En ce dimanche, à midi les cloches sonneront pendant une dizaine de minutes partout au Québec, afin d’envoyer un message d’espérance! Un message d’espérance qui concerne le cœur. Si on y réfléchit bien, le pouvoir de la peine, c’est justement le fait qu’elle envahit notre cœur. On peut la comparer à la loi d’expansion des gaz - celle que l’on apprend quand on va à l’école - lorsque l’on se trouve dans une pièce, il est impossible de maintenir le gaz confiné dans un coin de ladite pièce. Quand il y a du gaz dans une pièce, il se répand dans toute la pièce.

En comparaison, lorsqu’on a de la peine dans le cœur, celle-ci ne peut pas vraiment se restreindre à un coin de notre cœur. Et même si on essaie de la contenir, notre peine a toujours tendance à prendre toute la place, elle tend à remplir notre cœur en entier. C’est dans ce contexte que la solidarité devient si importante. Il est essentiel que les gens sachent qu’ils ne sont pas seuls dans leur peine, il est important que chacun d’entre nous sache que nous ne restons pas seuls dans notre peine.

Donc, si nous pratiquons cette solidarité, si nous trouvons de nouveaux moyens d’être solidaires les uns des autres, nous pourrons dire à la fin de cette pandémie qu’elle a certes représenté une véritable épreuve, que nous avons vécu une grande peine, mais notre solidarité commune a grandi. À ce moment-là, nous pourrons même affirmer que du bien aura émergé de cette crise, de cette pandémie, de cette menace qui pèse aujourd’hui sur l’humanité tout entière.

Nous sommes invités à vivre un temps spécial de solidarité. Jésus Christ nous invite à la solidarité par le fait même qu’il s’est fait lui-même solidaire de chacun et chacune d’entre nous, il s’est rendu solidaire de chacun et chacune d’entre nous. Tâchons de ne pas oublier combien ses paroles sont puissantes et, si nous nous demandons parfois comment rencontrer Jésus, rappelons-nous qu’il est présent en nous et que la prière nous permet de nous adresser à lui!

Bien sûr, il y a la Bible! Bien sûr les sacrements existent, en particulier l’eucharistie! Mais il ne faut pas négliger la personne qui est dans la peine. Aller à sa rencontre est une autre façon de rencontrer Jésus. C’est un autre chemin pour le rencontrer. « Ce que vous avez fait à l’un des plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait », nous répète-t-il sans cesse. À chaque fois que l’on tend la main à quelqu’un qui est dans la peine, on tend la main à Jésus. À chaque fois que l’on rentre en communication avec quelqu’un qui est dans la peine, c’est avec Jésus lui-même que l’on rentre en communication.

Vous pourriez vous demander comment il est possible de rencontrer Jésus alors que nous sommes dans la peine parce que, par exemple, nous ne pouvons pas participer physiquement à la messe en public et même si nous savons que la communion spirituelle est effective et réelle, nous sommes dans la peine de ne pas être en mesure de recevoir la communion.

Gardons à l’esprit que le fait de se faire solidaire de quelqu’un qui est dans la peine, nous permet en fait de rencontrer Jésus lui-même. Alors, en ce temps de pandémie que nous traversons, je souhaite que nous apprenions tous ensemble comment transformer cette période en un temps de solidarité, une solidarité qui sera toujours plus grande, de sorte que, au-delà de tout, nous puissions en sortir grandis.