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Jeudi Saint - 9 avril 2020

Homélie - Jeudi, 9 avril 2020

Jeudi Saint (Jn 13, 1-15)

Connaissez-vous le onzième commandement de Dieu?

Probablement, vous le connaissez, mais sans savoir qu’il s’agit du onzième commandement de Dieu : « Faites cela en mémoire de moi ». Voilà la parole que Jésus nous adresse : « Faites cela en mémoire de moi. Ceci est mon corps livré pour vous. Ceci est mon sang versé pour vous. Faites cela en mémoire de moi »; ou encore : « Prenez et mangez. Prenez et buvez. Faites cela en mémoire de moi ».

À qui Jésus s’adresse-t-il? Il s’adresse tout d’abord aux apôtres qui sont les colonnes de l’Église, mais il s’adresse aussi aux apôtres qui représentent l’Église toute entière. Il s’adresse aux apôtres après les avoir institués en tant que prêtres et, finalement, il s’adresse à l’Église
tout entière.

De fait, cette annonce concerne l’Église tout entière car l’Église est constituée à la fois par le peuple de Dieu et par le peuple sacerdotal que Jésus a institué le soir de la dernière Cène. Jésus institue les apôtres en tant que prêtres, ils sont, en quelque sorte, faits prêtres en Jésus-Christ et l’Église entière est créée en tant que peuple sacerdotal.

« Faites cela en mémoire de moi » est un commandement de Dieu qui s’adresse à l’Église toute entière, même si elle s’adresse spécifiquement aux prêtres, afin de leur permettre de célébrer l’eucharistie. La messe est un commandement de Dieu. C’est un commandement qui vient de Jésus Christ lui-même, lui qui est Dieu, lui qui est le Fils de Dieu fait homme.


Prier la messe, célébrer la messe, participer à l’eucharistie c’est répondre à l’appel de Dieu, c’est une manière concrète de répondre au commandement de Dieu. Jésus ne nous dit pas :

« je vous fais une proposition, je vous suggère de participer à l’eucharistie si ça vous tente ou quand ça vous tente. » Non. Jésus nous donne un commandement : « Faites »; « Faites cela en mémoire de moi. » L’eucharistie, la messe, est un commandement de Dieu. Un commandement que Jésus Christ donne à son Église.

Lorsque Jésus Christ donne ce commandement, le fait-il pour lui seul? Non! Ce commandement ne s’adresse pas à lui! C’est à nous qu’il s’adresse car nous avons besoin de lui. Nous

avons besoin de Jésus Christ. Nous avons besoin de son amour et de sa grâce. Nous avons besoin de l’amour qui l’habite. Jésus nous a aimés jusqu’à l’extrême de l’amour et il a institué l’eucharistie pour se rendre présent dans notre vie personnelle : « Ceci est mon corps livré ». L’eucharistie, c’est l’amour de Jésus qui va jusqu’à l’extrême de l’amour, c’est Jésus lui-même qui se fait présent dans l’eucharistie!

Ce qui est rendu présent dans l’eucharistie, c’est l’amour infini de Dieu qui donne tout, sans retour. Et nous avons besoin de l’eucharistie, parce que l’eucharistie devient nourriture. La table de la Parole devient nourriture. La table de l’eucharistie devient nourriture. Dans l’eucharistie, Dieu lui-même vient nous nourrir, afin que son amour grandisse en nous, afin que son amour s’épanouisse en nous.

Nous avons besoin de l’eucharistie afin que l’amour total, l’amour libre, l’amour gratuit, s’épanouisse en nous. Sans ce don gratuit de Jésus Christ, l’amour ne pourrait pas s’épanouir en nous. Jésus Christ vient nourrir l’amour qui est en nous.

Participer à l’eucharistie, c’est participer à l’amour de Jésus Christ qui nous a aimés jusqu’à l’extrême de l’amour. Avec Jésus Christ, par Jésus Christ et en Jésus Christ, nous apprenons à marcher à sa suite, nous apprenons à imiter Jésus Christ et, avec lui, à aimer jusqu’à l’extrême de l’amour.

En cette fête du Jeudi Saint, nous pouvons également voir le lien intime qui existe entre l’institution de l’eucharistie et le lavement des pieds. Dans les évangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc présentent l’institution de l’eucharistie. De son côté, dans son évangile, Jean ne parle pas directement de l’institution de l’eucharistie. Il y consacrera un chapitre en entier, le chapitre six, pour parler de l’eucharistie. Lors du récit de la dernière Cène, Jean nous présente le lavement des pieds, il met l’accent sur le service.


Avec sa grâce, nous apprenons à servir et à servir comme lui : « Le fils de Dieu est venu dans le monde non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude ».

La question à se poser n’est pas le choix entre servir ou aller à la messe. La question entre servir, aimer son prochain et aller à la messe ne se pose pas : l’amour du prochain ne peut compenser le fait d’aller à la messe. Par exemple, pourrait-on dire à quelqu’un : « Écoute, ne mange pas à chaque jour, ne mange pas afin d’avoir plus de temps pour aimer les autres et de cette manière, tu auras plus de temps pour aider les autres ».

Non, si cette personne ne mange pas, elle sera plutôt faible!

Si nous voulons aimer les autres de toutes nos forces, avons besoins de prendre des forces. Et pour avoir des forces, il faut se nourrir. Tout comme le corps a besoin de se nourrir, notre âme aussi a besoin de se nourrir, notre cœur aussi a besoin de nourriture. Recevoir l’eucharistie, la Parole de Dieu et le pain de vie, recevoir le pain du Seigneur comme nourriture, c’est recevoir l’amour de Dieu comme nourriture.

Dans le don de l’eucharistie, non seulement nous recevons son amour, mais Dieu nous manifeste combien il nous aime et nous recevons gratuitement son amour. À travers son amour, par son amour, Dieu nous rend capables d’aimer à notre tour. Dieu nous rend capables d’aimer, il nous rend capables de servir.

En cette période liée à la pandémie, la COVID-19 a immobilisé la terre entière et ses répercussions frappent nos économies de plein fouet, cette pandémie frappe également nos familles comme elle frappe les activités et les organismes à but non lucratif. Mais la pandémie frappe également l’Église, les différentes confessions chrétiennes ainsi que les différentes religions. Tous ensemble, en tant qu’humanité, nous sommes un peu comme mis à nu devant la COVID-19.

Pour en revenir au thème de la foi en Jésus Christ, Jésus ne cesse jamais de venir à nous pour nous nourrir de sa Parole en nous offrant son corps à manger : « Ceci est mon corps livré pour vous. Ceci est mon sang versé pour vous ». Jésus ne cesse jamais de nous nourrir.


Et même si les portes des églises sont fermées, l’Église elle n’est pas fermée! Les portes des églises sont peut-être fermées, mais l’Église n’est pas fermée! Les portes des églises ont été fermées pour témoigner de notre solidarité face au danger qui nous guette tous, en tenant compte du danger de contagion. Mais, en même temps, la vie doit continuer.

Comment aimer les autres en respectant la distanciation physique qui est exigée de chacun d’entre nous? La réponse que nous pouvons apporter est celle de trouver des façons nouvelles d’aimer parce que nous sommes toujours appelés à aimer. La vocation à l’amour ne cesse pas, elle ne s’est jamais mise en pause. La vocation à l’amour ne s’arrête jamais.

On pourrait alors se demander comment prier? Si pour un chrétien, il s’agit d’une question qu’il est important de se poser, elle se pose en particulier pour un catholique. Comment prier alors que nous avons été habitués à aller à l’église lorsque vient le temps de prier, tout en sachant que ce n’est pas le seul endroit où nous pourrions prier.

Nous savons que nous pourrions prier davantage en famille et nous pourrions certainement le faire plus régulièrement. Nous savons que nous pourrions également lire la parole de Dieu et nous pourrions le faire davantage. Tout en observant toutes ces possibilités qui s’offrent à nous en ce temps particulier que nous traversons, comment envisager notre rapport à l’eucharistie?

D’une façon paradoxale, en ce temps où nous sommes amenés à pratiquer non pas un jeûne eucharistique, mais un jeûne de l’eucharistie, on pourrait demander à l’Esprit Saint de nous donner la grâce d’enflammer notre cœur, de l’enflammer du désir ardent de l’eucharistie.

Demandons à l’Esprit Saint de faire grandir dans le cœur de chacun et chacune d’entre nous la foi en l’eucharistie ainsi que notre soif personnelle de l’eucharistie, que nous soyons de simples baptisés ou que nous soyons prêtres, tous ensemble, demandons-lui cette grâce en tant que peuple de Dieu.

En cette période de jeûne eucharistique, saisissons l’occasion qui nous est offerte de relire notre vie : pourquoi allons-nous à la messe, pourquoi tenons-nous pour acquis le fait d’avoir les portes de l’église ouvertes le dimanche ou les jours de semaine? Pourquoi prenons-nous tous ces éléments de notre vie de chrétien pour acquis?

En prenant le temps de relire notre vie, peut-être pourrons-nous à nouveau prendre conscience de l’importance de l’eucharistie dans notre vie, en redécouvrant également combien notre soif envers l’eucharistie est grande.

Étant portés à prendre pour acquis ce qui est accessible de façon quotidienne ou habituelle dans notre vie, nous pourrions alors demander à Dieu de raviver en nous la soif de l’eucharistie. Comment demander à Dieu la grâce de ne pas prendre pour acquis le don de Dieu, de ne pas prendre pour acquis le don de l’eucharistie, en cette période où le temps semble s’être arrêté alors que la possibilité de participer à l’eucharistie n’est pas accessible en ce moment?

Au contraire, il est temps d’élargir nos façons de prier, il est temps d’élargir nos façons d’aimer, afin de redécouvrir combien Jésus Christ est vraiment le centre de notre vie et de notre foi. Comme le dit le Concile Vatican II, l’eucharistie est le centre, la source et le sommet de l’Église et de chacune de nos vies.

En cette période, les prêtres ont le privilège d’avoir accès à l’eucharistie parce qu’ils sont appelés à la célébrer chaque jour, alors que les fidèles en sont éloignés. De leur côté, les prêtres ressentent le manque de contacts avec les membres du peuple de Dieu! Certainement, cette absence des fidèles à l’eucharistie fait grandir dans le cœur de chacun des prêtres une soif nouvelle du peuple de Dieu, parce que l’eucharistie prend tout son sens en présence du peuple de Dieu, tout comme l’Église est là pour être au service de l’humanité.

Nous pouvons demander au Seigneur de faire grandir notre soif pour la présence réelle de l’eucharistie à l’aide d’une prière dont l’effet le plus important est justement de faire grandir en nous la soif de l’eucharistie. Il s’agit une prière pour la communion spirituelle, dans laquelle nous exprimons notre foi en Jésus Christ présent dans l’eucharistie et, en même temps, nous demandons au Seigneur de nous combler d’une soif toujours plus grande pour l’eucharistie.

Au moment de la communion, juste avant la communion du célébrant, nous allons dédier un temps pour réciter ensemble cette prière de communion spirituelle. Je vous invite à l’écouter attentivement et à y participer de tout votre cœur afin d’expérimenter pleinement les fruits de cette communion spirituelle. Bien entendu, cette communion spirituelle ne remplace pas la communion eucharistique, mais vivre profondément cette communion spirituelle peut nous aider à renouveler notre foi en l’eucharistie, comme elle peut nous aider à renouveler notre foi en Jésus Christ présent dans l’eucharistie, tout en renouvelant notre soif de Jésus Christ ainsi que notre rencontre personnelle avec Jésus Christ présent dans l’eucharistie.