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Dimanche de la Miséricorde - 19 avril 2020

Homélie - Dimanche, 19 avril 2020

Dimanche de la Miséricorde - 2ème Dimanche de Pâques - Année A (Jn 20, 19-31)

Dieu Saint! Dieu fort! Dieu éternel! Prends pitié de nous.

 

En cette période de pandémie dans laquelle nous sommes toujours plongés, nous implorons la miséricorde divine. Cette fête de la Miséricorde divine est un temps particulier. Non seulement pour prier la miséricorde divine, mais également pour lui confier l’humanité tout entière.

Cette pandémie se manifeste à la fois comme un combat, comme une épreuve pour l’humanité, mais également comme un combat pour notre propre humanité. Elle se présente comme un combat inhabituel, étonnant, que nous avons à peine commencé à découvrir.

Normalement, lorsqu’on parle de guerre, ce sont les jeunes qui s’en vont au front tandis que leurs parents restent au foyer à s’inquiéter pour le sort de leurs enfants. Dans la pandémie que nous vivons, toutes les générations sont exposées à la Covid 19, mais les aînés y sont plus particulièrement vulnérables. Actuellement, le plus haut pourcentage de décès a lieu parmi cette génération. En cette période étrange, les aînés sont au front alors que leurs enfants au foyer, en confinement, s’inquiètent pour leurs parents, souffrent pour eux, souffrent avec eux. Ils sont dans la peine de ne pas pouvoir être proches d’eux alors qu’ils sont malades ou peut-être en fin de vie.

Présentement, nous assistons à un combat un peu surréaliste, un peu irréel, un combat qui non seulement nous mobilise tout entier, qui non seulement mobilise toute notre personne, mais qui, en même temps, mobilise toutes les personnes, où qu’elles soient.

En ce moment, tout le monde désirerait probablement être soit médecin, infirmière, voire un préposé aux bénéficiaires, ou même être le portier d’une résidence de personnes âgées, afin d’avoir la possibilité de se rapprocher des aînés qui sont exposés à la Covid 19 et qui, par ce fait même, sont en danger.

Une des souffrances que chacun et chacune d’entre nous vit actuellement est le fait de voir nos parents malades mais également le fait de nous sentir impuissants et dans l’impossibilité de les aider. D’une façon ou d’une autre, nous nous sentons tous concernés par cette crise. Peu importe que nos parents soient malades, qu’ils soient peut-être déjà décédés, qu’ils soient eux aussi en confinement mais toujours en santé, le fait est que nous nous sentons tous concernés dans notre humanité, à cause de cette peine que nous vivons collectivement.

Même si nous le savions déjà, nous prenons davantage conscience que nous appartenons tous à une même et unique humanité. Même si quelqu’un d’autre a de la peine et qu’il souffre de voir ses parents malades, exposés à la Covid 19 ou en fin de vie, nous ressentons en nous-mêmes cette souffrance et non pas uniquement dans le sens où nous pouvons la comprendre ou la ressentir, mais plutôt parce que cette souffrance devient aussi la nôtre.

Le psaume du Bon Berger nous présente un berger qui prend soin de ses brebis et qui, en même temps, nous guide sur les ravins de la mort. Mais, me demanderez-vous, ces ravins de la mort, que représentent-ils? Les ravins de la mort, c’est en quelque sorte l’endroit où plus personne ne peut nous rejoindre. C’est l’endroit où nous nous retrouvons seuls. Seuls avec nous-mêmes, seuls devant la mort. Et le Bon Berger, le Bon Pasteur, c’est le Seigneur Jésus, lui qui a porté toutes nos souffrances, nos péchés et toutes nos morts sur la croix et qui est ressuscité.

Le Seigneur Jésus a un pouvoir énorme. Lequel? Celui de se faire proche. Le pouvoir de se faire proche de chaque être humain, en particulier lorsqu’il se trouve aux ravins de la mort.

Dans ce sens, notre action peut nous porter au front, que ce soit comme médecin, comme infirmière ou comme préposé. Mais notre action personnelle peut aussi se déplacer sur le front de la prière. Est-ce que la prière est un front réel? Certainement, car lorsque nous prions Dieu les uns pour les autres, nous sommes aussi en train de combattre. Et nous combattons en faveur des personnes qui se retrouvent seules sur les ravins de la mort.

Ce temps que nous traversons peut devenir un temps qui nous permettra de découvrir, peut-être, l’ampleur que l’action humaine peut réaliser. Mais, pour la plupart d’entre nous, cette période peut aussi mettre en lumière combien nous nous sentons impuissants face aux effets de cette pandémie. Lorsque nous ressentons cette impuissance, souvenons-nous que la prière peut aussi nous aider à ouvrir nos horizons.

Dans la prière, il nous est possible de tout confier à Dieu, de tout remettre entre les mains de Jésus miséricordieux. La prière nous permet de croire que, même au creux de la douleur, Jésus Christ a le pouvoir de visiter ce malade que nous ne pouvons pas visiter. Jésus Christ a le pouvoir de se rapprocher du cœur de notre père, de notre mère, de notre grand-père, de notre grand-mère qui est malade alors que nous nous sentons tellement éloignés d’eux. Nous sommes trop loin deux.

En cette période où il nous est impossible de prendre contact même avec les membres de notre propre famille, nous ne savons pas comment nous rapprocher d’eux, c’est impossible. Mais Jésus Christ a le pouvoir de se faire proche d’eux.

En ce dimanche de la Miséricorde divine, soyons conscients que notre prière peut avoir plusieurs dimensions. Tout à l’heure, au moment de la prière universelle, nous allons en évoquer quelques-unes.

Dans un premier temps, notre prière s’élèvera vers Dieu en faveur des malades eux-mêmes mais aussi en faveur des personnes en fin de vie afin qu’elles sachent que Dieu ne les abandonne pas.

Même si, en ce moment, elles se trouvent sur les ravins de la mort, Dieu ne les abandonne pas, tout comme nous ne les abandonnons pas non plus. Mais les limites imposées par les mesures de confinement nous rendent impuissants face à la solitude qu’elles éprouvent.

Face à cette réalité, notre action immédiate consiste, pour certains, à se trouver sur le front du combat contre la maladie, en étant au service de la vie. Pour la plupart d’entre nous, notre combat, notre action concrète consiste à soutenir par la prière ceux et celles qui mènent ce combat sur le terrain.

C’est la part que nous pouvons apporter dans ce combat, tout en sachant que la société civile a aussi un rôle important à jouer dans ce combat, car elle se doit de soutenir ceux et celles qui sont en première ligne. Mais notre propre combat est d’intensifier notre prière qui nous offre la possibilité de soutenir aussi bien les malades que tous ceux et celles qui se trouvent sur le front au service à la vie, au service immédiat et concret des malades.

Prier donc, prier sans cesse. Prier pour le malade, prier pour la personne malade elle-même, prier pour ceux et celles qui sont au front pour en prendre soin, mais aussi prier pour la société tout entière qui se mobilise afin de soutenir de mille façons les malades et ceux qui s’en occupent. Prier pour les différents paliers de gouvernement afin que, à travers cette épreuve qui frappe tout le monde sans exception et où chacun et chacune se sent particulièrement démuni, le combat puisse continuer et que la mobilisation se déroule dans un esprit de solidarité et de paix sociale.

Pour l’Église, ce combat est aussi un combat spirituel, tant pour l’Église dans son ensemble que pour les fidèles eux-mêmes, pour ceux et celles qui croient en Dieu et qui continuent malgré tout à confier l’humanité dans les mains de Dieu

Mais ce combat s’étend à l’humanité dans son ensemble. Demandons à Dieu de nous aider à redécouvrir que nous sommes tous frères et sœurs en humanité, au-delà de nos différences, de cultures, de nations, de croyances afin de redécouvrir que nous faisons tous partie de la même humanité.

Dans ce sens-là, nous assistons à un combat qui est en même temps une épreuve pour notre humanité. Mais ce combat représente aussi une occasion unique pour notre humanité pour grandir. Car une épreuve représente une occasion à saisir. Une épreuve, c’est souvent un couteau à deux tranchants. Une épreuve peut nous pousser à nous replier sur nous-mêmes, en comptant uniquement sur nos propres forces pour essayer de nous en sortir seuls, par nos propres moyens. Mais l’épreuve peut aussi nous pousser à nous ouvrir aux autres et non pas tant à s’en sortir seuls, en insistant sur le « je » vais m’en sortir, mais en cherchant le moyen de s’en sortir ensemble, afin de surmonter cette épreuve en soulignant le « nous » allons nous en sortir.

Car c’est collectivement que nous allons nous en sortir. C’est tous ensemble que nous trouverons les ressources pour sortir de cette épreuve qui est tout d’abord un combat local, mais qui est en même temps un combat qui se déroule au niveau mondial. Nous allons nous en sortir si nous mettons tout en œuvre pour nous soutenir mutuellement. Pour y parvenir, nous aurons besoin de partager les ressources disponibles, c’est uniquement de cette manière que nous pourrons nous entraider efficacement.

Un autre chemin pour sortir de cette crise est de prier tous ensemble, quels que soient nos croyances ou nos horizons. Nous allons prendre le temps de méditer, nous allons faire silence, nous allons nous recueillir.

Prenons un temps au cours de cette journée pour nous confier à la Miséricorde de Dieu, pour nous en remettre à Dieu. L’équilibre de notre vie se situe entre la Miséricorde de Dieu et la Providence de Dieu. Que notre Dieu miséricordieux nous comble de sa miséricorde et, en même temps, qu’il soit toujours présent à nos côtés. Oui, le Seigneur de la vie vient nous soutenir, il vient nous donner sa vie, il vient nous guider sur le chemin de la vie et nous lui en sommes reconnaissants. Dieu vient semer dans notre cœur des élans de confiance, des élans de générosité, des élans de magnanimité et d’humilité.

Cette période que nous traversons nous aura également permis de découvrir la limite de nos puissances, qu’il s’agisse des puissances de ce monde ou de nos propres puissances et de nos forces personnelles. Nous avons découvert les limites de nos puissances scientifiques, économiques et étatiques. Nous avons aussi découvert les limites de nos solidarités familiales parce que nous nous sommes rendu compte qu’il est difficile d’être solidaires et de se faire proches des membres de notre famille en fin de vie. Nous avons également découvert nos limites personnelles. Reconnaitre nos limites peut devenir une véritable épreuve qui nous porte peu à peu au découragement.

Mais cette épreuve peut aussi se transformer en un temps de croissance, parce que si nous parvenons à ouvrir notre cœur à Dieu en cette période d’incertitude, nous aurons la possibilité de redécouvrir combien Dieu est présent dans notre vie et comment il se tient à la porte de notre cœur pour nous manifester son amour. Et nous pourrons alors tout lui offrir, l’épreuve que nous traversons, la peine que nous ressentons, mais aussi la Covid-19 et la peine dans laquelle nous sommes plongés, car Dieu accueille toutes ces réalités que nous portons dans nos vies.

Prenons un temps de recueillement et confions à Dieu autant notre situation personnelle que celle de l’humanité tout entière, confions-lui également nos familles, les personnes frappées par la Covid, les personnes qui sont malades et dont les opérations ont été reportées, sans oublier toutes les personnes qui sont décédées pendant cette pandémie mais pour d’autres raisons que la Covid-19. Confions à Dieu l’humanité toute entière, confions-la à Jésus Miséricordieux.

Dieu Saint! Dieu fort! Dieu éternel! Dans ton infinie miséricorde, prends pitié de nous et prends pitié du monde entier.