Montréal

(Présence-info) Le Collectif pour l’unité est une cohabitation cultuelle unique au Canada où convergent depuis quelques mois une église, une synagogue et un centre communautaire musulman.

Le petit centre commercial extérieur situé près du parc Elgar, à Montréal, n'a rien d'exceptionnel. Quelques petits restaurants, des tables pour les clients, un dépanneur, un vendeur d'aliments pour animaux domestiques. Pourtant, le Collectif pour l'unité rayonne par les valeurs d'entraide et de tolérance qu'il promeut.

Juifs, musulmans et catholiques sont assis à la même table d'un petit café de la place de l'Unité, à quelques pas de leur lieu de prière respectif. Place de l'Unité, c'est ainsi que l'arrondissement de Verdun a rebaptisé en juillet cet îlot composé de quelques petits commerces, d'un parc et d'une piscine publique intérieure. L'atmosphère détendue donne lieu à plusieurs éclats de rire, à des taquineries amicales.

Selon Hani Tomoum, membre de l'équipe d'administration du Centre Al Jazira, la force du Collectif pour l'unité est qu'il se concentre sur ce qui rassemble plutôt que sur ce qui sépare.

«Depuis des siècles, nous ne voyons que nos différences. Nous voulons vraiment donner un exemple positif. La synergie qui existe entre nous est extraordinaire parce que la communauté participe à quelque chose de positif. Il n'y a pas quelqu'un qui est contre ce projet. Nous ne pouvons pas être contre l'humanité. Le Bon Dieu commun nous a bénis trois fois. L'énergie s'est multipliée de manière exponentielle», lance-t-il.

À côté de lui, le rabbin Levy Itkin, de la synagogue Chabad de l'Île des Sœurs, estime que «nous vivons dans un temps de grande obscurité».

«Il nous faut davantage de lumière. Pour moi, la collaboration entre les religions donne le même résultat que plusieurs chandelles. Seule, elle peut éclairer l'obscurité. Toutefois, un ensemble de chandelles va éclairer davantage», illustre-t-il.

«Nous voulons travailler ensemble pour le bien de l'humanité. Toutefois, nous gardons notre individualité. C'est cela que nous aimons dans ce projet», ajoute Joseph Winterstern, membre de la Congrégation Chabad.  

L'administrateur de la paroisse Sainte-Marguerite-Bourgeoys, Roger Légaré, abonde dans le même sens.

«Dans notre projet, il y a un fil conducteur. Celui-ci est composé des  valeurs humaines et du sens du partage. Nous sommes en train de construire un campanile. Nos valeurs vont se refléter dans les cloches de l'unité. Pour la communauté tout entière, ces cloches vont représenter la possibilité d'un rassemblement. Les cloches sont financées par un juif pour une mission qui est interreligieuse dans un contexte social unique. Quand tu regardes tout cela, tu te dis: 'Cela n'a pas de maudit bon sens!'»

Mourad Bendjennet, administrateur du Centre communautaire islamique de l'île des Sœurs Al Jazira, souligne que ce projet unique est né d'une rencontre.

«Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, Roger et moi, le courant est passé. La communication s'est établie très facilement. Cela a beaucoup aidé à ce que nous collaborions. Ce n'était pas juste des paroles. Nos trois groupes religieux ont mis sur pied ce collectif. Cela incite les paroissiens, les fidèles de la synagogue, les membres du Centre islamique à s'impliquer ensemble, car ils voient quelque chose de concret», dit-il.

Cette cohabitation a d'ailleurs donné naissance à un projet de collecte de dons pour les réfugiés syriens, Le Centre de collecte pour les réfugiés. Installé dans un local de 3500 pieds carrés, il a pour objectif d'aider l'ensemble de la population locale, peu importe ses valeurs ou sa situation. L'épouse de Mourad Bendjennet, Dora Douik, est la coordinatrice du projet d'entraide. Outre le centre d'aide, le comité a décidé de parrainer une famille de réfugiés syriens. Il espère sa venue au début de l'année 2017.

L'union des forces vives peut aussi donner lieu à des situations cocasses. «La semaine dernière, se remémore Roger Légaré, il y a un curé qui déménageait. Il avait besoin d'un lit. Un membre de la communauté juive m'a dit : 'Je pense que j'en ai un'. J'ai répondu: 'Je ne sais pas comment on va s'organiser pour faire coucher un prêtre catholique dans un lit qui a appartenu à un juif!'», lance-t-il, déclenchant un rire généralisé. 

La cohabitation de trois religions change également le regard que l'on porte sur l'autre, souligne Hani Tomoum, qui a déjà étudié chez les Jésuites en Égypte.

«Ce qui compte du point de vue communautaire, c'est le comportement de chaque religion. Même si je n'ai pas la chance d'entrer dans une église, dans une synagogue, ce que je vois hors des centres cultuels c'est cela qui compte pour moi. Les exemples de juifs qui aident un prêtre catholique, des dons de musulmans pour des syriens chrétiens, voilà ce qui compte. C'est le comportement de la communauté plus que les convictions qui importe», fait-il valoir.   

Animés par leur foi, les représentants du Collectif pour l'unité pensent également aux générations futures. «Nous voulons que notre projet devienne un bel héritage. En fait, c'est le meilleur héritage que nous pouvons laisser à nos enfants », lance Mourad Bendjennet.