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Le 10 décembre dernier, l'archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, célébrait les funérailles nationales de M. Jean Béliveau. Devant une cathédrale remplie, voici l'homélie qu'il a prononcée.

Mémoire, Présence, Prière


Homélie pour les funérailles de Jean Béliveau 
Le mercredi 10 décembre 2014


« À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père... ». Cette heure c'est Jésus à la veille de sa mort et au moment de sa mort. Il aurait pu être écrit « à l'heure où Jésus mourait » et cela aurait été juste. Mais la mort est plus que la mort. Selon nos sens, notre perception et notre expérience la mort se dresse devant nous comme un mur implacable qui annonce une limite infranchissable.

La mort est-elle le dernier mot de la vie ? La mort d'un être cher est-elle le dernier mot de l'amour et des liens tissés ? Jésus, qui est mort en priant et en aimant a transformé la mort en passage vers la vie éternelle. L'amour vécu en cette vie a un avenir dans l'éternité. L'amour d'un mari, d'un père et d'un grand-père, d'un ami et d'un collègue, d'un humaniste dévoué,... tout cet amour a un avenir dans l'éternité.

Cette vision d'espérance s'appuie sur Jésus lui-même qui est mort et ressuscité pour nous afin de nous conduire sur le chemin de la vie éternelle.

Depuis plusieurs jours nous faisons mémoire de Jean Béliveau, de ses attitudes de passion et d'intégrité, de dignité et d'humanité sur la patinoire et en dehors de la patinoire. Nous évoquons comment, année après année il a personnifié le sens de l'attention à l'autre, à ses amis, à ses coéquipiers dans le sport, aux partisans des Canadiens, aux amateurs de hockey et au grand public. Nous rappelons sa fondation qu'il a mise sur pieds après sa retraite afin d'être au service des jeunes et plus particulièrement des enfants atteints d'un handicap. Nous pensons à l'importance de la foi dans sa vie et à la priorité de la vie familiale dans ses décisions. Ainsi le passé est devenu soudainement très présent et la figure paternelle de Jean vient toucher nos cœurs aujourd'hui.

Ce temps de mémoire est également devenu un temps de présence : présence dans les médias, télévision, radio, journaux, internet, réseaux sociaux, présence dans les conversations privées, présence à la chapelle ardente qui s'est déroulée au Centre Bell pendant deux journées, et aujourd'hui présence à la Cathédrale en cet événement de prière. Il y a présence à la famille et présence de la famille. Lorsqu'une personne perd un être cher nous nous sentons bien démunis pour apporter du réconfort et du soutien. Nous avons peine à trouver une parole consolante. Mais le plus important n'est-il pas d'être là ? Et c'est ce que nous prenons le temps de faire. Les habitants de Montréal, du Québec et du Canada, en ses élus et représentants, en ses citoyens et citoyennes, prennent le temps de s'arrêter pour être là, avec la famille et les proches, afin de soutenir les personnes dans la peine et remercier pour cette vie donnée.

Jésus est venu dans le monde pour ouvrir l'avenir au-delà de la mort et nous conduire en présence du Père éternel qui ne cesse jamais de nous voir comme ses enfants bien-aimés. Le temps de la mémoire et de la présence devient ainsi le temps de la prière. Nous présentons Jean, mari, père et grand-père, ami et frère, à Dieu, pour qu'Il l'accueille dans son Royaume, le Royaume de l'Amour éternel. Nous sommes dans la peine mais notre cœur s'ouvre à l'espérance car la communication n'est pas rompue, elle est transformée. Jésus, à la veille de sa mort, sait qu'Il passe à la vie éternelle, et pourtant Il va dire « mon âme est triste à en mourir », Il sait que la mort n'est pas la fin mais un passage, mais Il n'en éprouve pas moins une solitude profonde. Cependant, au cœur de sa douleur et de son sentiment d'être abandonné Il s'en remet à son Père dans l'Esprit Saint : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ».

Chère famille de Jean, notre affection va vers vous dans un élan du cœur. Notre peine peut s'ouvrir à l'espérance car la prière pour l'être cher est présence de Dieu qui met un baume sur la blessure du vide et qui donne Sa Paix. Par la prière l'avenir lui-même devient présent car le Plan d'Amour de Dieu est de nous réunir tous ensemble pour l'éternité et notre foi en Jésus Christ devient espérance de nous revoir dans la Bonté du Père pour vivre éternellement en enfants de Lumière dans la plénitude de la communion et du bonheur.

... mémoire, présence, prière... Prenons quelques instants de silence pour présenter Jean Béliveau, en même temps que notre cœur éprouvé, à Dieu Consolateur ...  


+Christian Lépine
Archevêque de Montréal

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