Montréal

Ils s’appellent Lionel, Jean-Guy, Benoît, Pierrette, Jacques, Ézéchiel, Alexandre, Raymond, Michel, Yvette, Marc, André, Gilles, Danielle, Richard, Pierre, Gordon, Dominique… Si la liste paraît longue, il n’en est pas moins que Claude Paradis, le prêtre de la rue, a pris le temps de nommer les 75 itinérants décédés dans l’année lors d’une célébration spéciale le 25 septembre dernier.

Tel Dieu appelant chacun par son nom, le père Claude Paradis a pris le temps de nommer un par un les défunts itinérants non réclamés cette année pour la région de Montréal. Au cours d’une célébration extrêmement profonde de par son caractère simple, touchant et généreux, c’est au cimetière « Repos Saint-François-d’Assise » que se sont réunies quelques personnes se sentant interpellées à venir rendre hommage à ces femmes et à ces hommes itinérants défunts. Le tout s’est déroulé dans la section compassion — 6D, comme l’indique une petite plaque installée comme monument de commémoration. 

Si l’initiative est touchante, la raison l’est plus encore. Le père Claude Paradis, prêtre fondateur de Notre-Dame-de-la-Rue, a répondu à un élan intérieur né d’un cri du cœur : « Quand […] un gars de la rue m’avait dit : “le seul toit que j’aurai, ce sera mon urne, parce que j’ai jamais eu de toit pis j’en aurai pas jusqu’à ma mort.”, alors j’me suis dit ben ça a pas de bon sens, faut faire quelque chose ». Ainsi, chaque année depuis maintenant quatre ans, l’homme célèbre des funérailles pour ces personnes de la rue qu’il côtoie d’ailleurs tous les jours. Il est heureux de constater que le phénomène des défunts non réclamés diminue d’année en année, grâce à une prise de conscience de plus en plus grande par les gens : « L’année passée on en avait 144 et cette année 75. L’autre année avant 300 et quelques […] seulement [à] Montréal ». 

Claude, l’ami de Claude

Claude, lui — un autre Claude — est venu assister à l’événement avec émotion : « J’suis venu parce que […] ça fait cinq ans que j’suis dans rue, que j’côtoie les gars de la rue. Les gars de la rue, j’en ai vue partir deux autres, qui sont ici d’ailleurs […] c’est une manière de venir leur dire au revoir ». Il ajoute en souriant :« On n’a pas toujours eu le temps de se parler, de se dire qu’on s’aimait comme amis […] En venant leur dire au revoir de même […] j’pense que le message se rend ». C’est à lui en premier que le Père Paradis a demandé d’aller poser la première rose blanche sur le lieu où ont été enterrés tous les défunts le jour même. Pour les 74 roses restantes, chacun était appelé selon son cœur à aller les déposer une à une à l’appel des prénoms des défunts. Claude qui vit dans la rue travaille avec la Maison du Père, un autre organisme qui s’occupe des itinérants de Montréal. L’homme termine en disant : « J’aime ça venir ici, je rends service à mes amis […] à mon ami Claude [Paradis] ». Il a aussi pu tenir entre ses mains une petite colombe qu’il a laissée s’envoler librement, autre démarche émouvante proposée au cours de la célébration. 

Un prêtre parmi ceux de la rue

Le père Claude Paradis travaille depuis maintenant 22 ans avec les délaissés de la société, ceux qui ont pour maison la rue. Ce qu’il remarque et trouve le plus beau auprès d’eux est « l’entraide » qui unit ces gens et « le respect » que ceux-ci lui portent : « Souvent quand je quitte un groupe de jeunes, c’est les jeunes qui se lèvent puis qui me bénissent. C’est pas le prêtre qui bénit les jeunes, c’est les jeunes qui bénissent le prêtre ». Un beau signe de la présence de Dieu au cœur du monde.