• Archidiocèse

Période 1897-1921 : vie active, congrès 1910, Université de Montréal

Texte

Mgr Bruchési commence sa mission en visitant, une à une, quelque dix communautés religieuses féminines sur lesquelles il compte beaucoup et qu’il portera toujours dans son cœur.

C’est sous l’épiscopat de Mgr Bruchési et avec son approbation que fut fondé, en 1904, l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. L’archevêque présida aux premiers et rapides développements du sanctuaire.

C’est encore sous son épiscopat qu’un quatrième démembrement du diocèse fut effectué pour créer en 1904, le diocèse de Joliette dans la région Nord-ouest du territoire initial.

La page historique la plus belle et qui marqua le plus la vie et l’épiscopat de Mgr Bruchési fut sans contredit celle de la préparation, de l’élaboration et de la célébration du Congrès eucharistique international de Montréal, du 7 au 11 septembre 1910. Il vaut la peine de s’y arrêter un peu.

En 1909, s’était tenu à Londres le vingtième Congrès eucharistique. Mgr Bruchési y était et avait prononcé un discours fort remarqué. L’idée lui vint de demander au comité central des Congrès la permission d’organiser le vingt et unième Congrès à Montréal. On fit remarquer à l’archevêque qu’il ne s’était pas encore tenu de Congrès eucharistique en Amérique et que Montréal n’était pas la plus grande ville d’Amérique… C’est la plus grande ville catholique, répondit le prélat avec un subtil à propos qui l’aida sûrement à gagner sa cause.

Le Saint-Père Pie X nomma le cardinal Vincenzo Vanutelli comme légat. Plus de cent vingt-cinq évêques du monde entier répondirent à l’invitation de Mgr Bruchési. L’événement fut un succès total. L’archevêque y brilla dans l’improvisation, la présentation des orateurs, les remerciements de circonstance.

Un seul épisode vint jeter le froid et le chaud à la fois. Il est bien connu des personnes d’un certain âge. La veille de la clôture du Congrès, soit le 10 septembre, en l’église Notre-Dame remplie à capacité, Mgr Bourne, archevêque de Westminster, prononça un discours où il développa le thème suivant : Le Canada doit grandir, se peupler de colons d’origines diverses qui parleront tous l’anglais, il faut que l’Église catholique utilise l’influence grandissante de l’anglais au Canada… Il faut allier à l’avenir la religion catholique et la langue anglaise. Étonnement et consternation dans l’auditoire. À la fin de l’intervention de Mgr Bourne, l’archevêque de Saint-Boniface, Mgr Adélard Langevin, défenseur de la cause française dans l’Ouest du pays, s’approche d’Henri Bourassa, qui était le troisième orateur à venir, et lui dit : Nous ne pouvons pas laisser passer cela; il faut que vous répondiez. Bourassa glissa, de fait, dans le texte qu’il avait préparé une réponse improvisée et respectueuse aux propos de l’archevêque de Westminster. Référant au statut minoritaire des francophones, il lança ces mots : « Laissons aux catholiques de toutes les nations qui abondent sur cette terre hospitalière du Canada, le droit de prier Dieu dans la langue qui est en même temps celle de leur race, de leur pays, la langue du père et de la mère. N’arrachez à personne, ô prêtres du Christ, ce qui est le plus cher à l’homme, après le Dieu qu’il adore… Mais, dira-t-on, vous n’êtes qu’une poignée; vous êtes fatalement destinés à disparaître; pourquoi vous obstiner dans la lutte ? Nous ne sommes qu’une poignée, c’est vrai; mais ce n’est pas à l’école du Christ que j’ai appris à compter le droit et les forces morales d’après le nombre et par les richesses. Nous ne sommes qu’une poignée, c’est vrai, mais nous comptons pour ce que nous sommes, et nous avons le droit de vivre ». Ovation et fin de l’épisode.

Le lendemain, le Congrès se clôtura par une impressionnante procession dans les rues de la ville. Commencée vers midi, la procession ne se termina que le soir, vers sept heures, au Parc Jeanne-Mance par le Salut du Très Saint Sacrement.

Ce Congrès est inscrit dans l’histoire du Québec, du Canada, de l’Église universelle. Le mérite en revient en grande partie à l’action et aux multiples talents de Mgr Bruchési. L’archevêque de Montréal, a-t-on pu écrire, fut de bout en bout la figure centrale du Congrès.

Le dernier geste de longue portée que réussit Mgr Bruchési, avant d’entrer dans la longue souffrance de sa maladie, fut d’obtenir le statut d’autonomie pour l’Université de Montréal, le 29 avril 1919. Son habileté a permis de conduire à bon terme le long dialogue mené avec Rome pendant quarante-trois ans.

Revenant aux riches années de sa vie active, soulignons que Mgr Bruchési érigea soixante-trois paroisses, publia de nombreux mandements et lettres pastorales sur les sujets les plus divers : le mariage chrétien, la justice, la question ouvrière, la paix.