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Chers frères évêques, invités distingués et membres du personnel de la CECC,

C’est un plaisir pour moi de présenter aux membres de la Conférence des évêques catholiques du Canada mon rapport sur les activités de la Conférence depuis la dernière réunion de l’Assemblée plénière.

L’année écoulée a été exceptionnelle, marquée par des réalisations dans plusieurs domaines. Aujourd’hui, j’aimerais m’arrêter sur seulement deux d’entre elles, en raison de leur importance.

La sollicitude pastorale de la CECC pour les peuples autochtones est aussi ancienne que la Conférence elle-même. Pourtant, la visite du Saint-Père en juillet dernier et ses sincères excuses ont constitué une étape importante sur la voie de la réconciliation, un intérêt relativement récent pour la CECC, qui nous inspire à faire de nouvelles percées dans nos engagements pastoraux individuels et collectifs auprès des peuples autochtones.

Permettez-moi de commencer par souligner la publication longtemps attendue de nos quatre lettres pastorales sur la réconciliation adressées aux Premières Nations, aux Inuits, aux Métis ainsi qu’au Peuple de Dieu du Canada. Après trois années d’écoute des peuples autochtones, suivies d’un discernement attentif et d’un travail assidu, nous en sommes arrivés à une série de messages et d’engagements essentiels qui, maintenant qu’ils sont publiés, serviront, je l’espère, de cadre pour promouvoir des relations de confiance avec les peuples autochtones pour les années à venir.

Notre engagement commun pour la vérité, la guérison, la réconciliation et l’espérance sera de nouveau en évidence cette semaine pendant que nous envisagerons des plans pour l’avenir relativement au Conseil autochtone catholique du Canada, y compris la manière dont le Conseil pourrait prendre à son compte les engagements des lettres pastorales.

Nous savons évidemment que la réconciliation, pour être tangible, doit avoir une expression locale concrète. Dans ce but, la participation de chaque diocèse et éparchie, selon les moyens et les capacités de chacun, est indispensable. Grâce à leur générosité, par exemple, le Fonds de réconciliation avec les Autochtones, qui a à peine deux ans d’existence, se chiffre maintenant à 11 millions de dollars et est en bonne voie de dépasser son objectif de 30 millions en cinq ans. Il est encore plus encourageant de voir les fruits de ce débordement incroyable que nous pouvons déjà voir dans les projets lancés par les peuples autochtones au niveau local, avec l’appui des diocèses, pour favoriser la guérison et la réconciliation.

Malgré de tels progrès, l’héritage des pensionnats demeure pour beaucoup une source de traumatisme intergénérationnel réel et prolongé. Conscient que les anciens élèves des pensionnats, ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants, désirent mieux comprendre l’histoire des pensionnats afin de guérir, et reconnaissant qu’une partie des dossiers dans les archives de certains diocèses pourrait être utile à cette fin, le Conseil permanent a approuvé cette année un guide pour aider les diocèses à élaborer leurs propres politiques sur la divulgation de l’information des dossiers relatifs aux Autochtones dans les archives diocésaines.

Nul ne peut nier que les racines des traumatismes intergénérationnels sont complexes et dépassent l’histoire unique des pensionnats indiens du Canada. Après avoir entendu les peuples autochtones exprimer ces préoccupations, et après avoir consulté la CECC et l’USCCB, le Dicastère pour la culture et l’éducation et le Dicastère pour le service du développement humain intégral ont publié une note sur le concept de la « doctrine de la découverte ». Dans cette note, les deux dicastères ont déclaré sans équivoque que « le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises. […] En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de “doctrine de la découverte”. » La « doctrine de la découverte » et ses séquelles feront l’objet dans l’avenir d’un colloque universitaire qui, nous l’espérons, l’entourera d’une plus grande lumière et éclairera les notions de dignité humaine et d’amour du prochain, enracinées dans les enseignements du Christ, qui sont à l’opposé de la répression des droits des Autochtones.

En faisant le point sur le passé et en regardant vers l’avenir, on peut facilement se sentir accablé par l’énormité des attentes liées à la réconciliation. À de telles occasions, le mot qui revient constamment à mon esprit (et qui est pour le pape François une pierre de touche de l’Église) est simplement le mot « accompagnement ». Je veux dire par là le ministère d’écoute et de consolation qui a une importance essentielle pour concrétiser la sollicitude compatissante du Christ et de l’Église pour les peuples autochtones. À ceux et celles qui désirent marcher avec nous, ce que nous pouvons offrir avant tout, en tant que chrétiens et en tant que pasteurs du troupeau du Christ, c’est l’empathie, la compassion et la prière afin que l’important cheminement de guérison et de réconciliation puisse aboutir à la vraie liberté et à une espérance durable, non seulement pour les personnes qui sont touchées aujourd’hui, mais aussi pour les jeunes générations autochtones.

Le même thème d’« accompagnement » est au centre du deuxième champ de travail majeur de la Conférence depuis la réunion de l’Assemblée plénière en septembre dernier. Je veux évidemment parler du Synode sur la synodalité, auquel je voudrais consacrer le reste de mon rapport. La synodalité est une manifestation de la nature de l’Église comme peuple de Dieu cheminant ensemble. C’est de cette façon que la synodalité suppose l’« accompagnement ».

Dans une semaine, je commencerai un séjour d’un mois à Rome pour le Synode sur la synodalité, en compagnie de Mgr McGrattan, de Mgr Miller et de Mgr Pelchat, tous en tant que délégués de la CECC. Se joindront à nous les membres non évêques du Synode pour le Canada, choisis par le pape François : M. Sami Aoun, Mme Catherine Clifford, Ph.D., Sœur Chantal Desmarais et Mme Linda Staudt. Depuis août, nous avons tenu des réunions en ligne, dont une avec nos homologues des États-Unis, pour apprendre à mieux nous connaître, à échanger sur les thèmes et les questions du Synode et surtout pour nous préparer spirituellement à cet important événement de la vie de l’Église.

Le chemin qui nous a conduits à ce Synode a pris environ deux ans d’écoute et de dialogue, y compris les étapes nationale et continentale. De plus, nous savons que la réunion d’octobre n’est pas la fin du travail entrepris jusqu’ici, mais une étape intermédiaire qui ne prendra fin qu’en octobre 2024.

L’un des faits nouveaux importants du chemin synodal de la dernière année a été l’élaboration du Document final nord-américain pour l’étape continentale du Synode. Pour faire ce travail avec l’USCCB, la CECC a participé à diverses « assemblées continentales » en ligne en anglais, en français et en espagnol. En tout, 146 évêques et 931 autres participants et participantes du Canada et des États-Unis ont été désignés pour participer à l’une des 12 rassemblements du genre tenus de décembre 2022 à la fin de janvier 2023. Ensemble, les participants et participantes ont exprimé leurs points de vue sur le Document pour l’étape continentale publié par le Secrétariat général du Synode des évêques en octobre 2022. J’ai ensuite participé à une retraite d’une semaine à Orlando en compagnie des représentants et représentantes de l’équipe de rédaction de la synthèse nationale du Canada, ainsi qu’avec l’équipe du Synode de l’USCCB, afin de produire le Document final nord-américain d’après ce que nous avons entendu.

À son fondement, la synodalité insiste sur la nature dynamique, communautaire et participative de l’Église et est profondément enracinée dans le concept de communion de l’Église. Pendant la réunion de l’Assemblée plénière cette semaine, du temps a été réservé pour que nous réfléchissions à l’Instrumentum laboris afin que les évêques délégués de notre Conférence puissent parvenir à connaître et à mieux apprécier les points de vue de leurs frères évêques concernant les questions qui seront à l’étude pendant le Synode. À l’heure actuelle, et au nom des autres délégués, je vous demande votre accompagnement spécialement sous forme de prière, pour que nous puissions contribuer aux délibérations avec sagesse et prudence pour le bien de l’Église et de ses fidèles.

Pour terminer, je tiens à préciser que bien que mon rapport, par souci de brièveté, ne traite que de deux aspects de la vie de la CECC depuis septembre dernier, ne veut pas oublier le travail important accompli par les évêques qui travaillent dans tant d’autres domaines : liturgie et sacrements, évangélisation et catéchèse, famille et vie, doctrine et justice sociale, relations interreligieuses et œcuméniques, mouvements et associations catholiques, ministère responsable et protection des personnes mineures et vulnérables, et bien d’autres encore. Une grande partie de votre travail dans chacun de ces domaines, qui est appuyé par le personnel de la Conférence, sera examinée au cours de la semaine. Entre-temps, je vous invite à prendre connaissance du contenu du Programme (livret), y compris la liste des événements et activités de la vie de la Conférence depuis notre dernière Assemblée plénière. Ce faisant, je suis certain que vous serez heureux de constater l’énergie et l’engagement déployés par la CECC dans tant de domaines, qui illustrent une Église vivante, généreuse et remplie de foi.

Pendant les délibérations que nous entamerons au cours de la réunion de l’Assemblée plénière de cette année, devant le travail important et parfois redoutable que nous devons accomplir, et conscients de nos limites humaines, demandons au Saint-Esprit, le Paraclet, de nous guider dans la vérité tout entière (Jn 16, 13) et d’approfondir notre communion avec Jésus et entre nous; ainsi, nos décisions et notre service d’amour pourront donner du fruit à notre mission d’évangélisation au Canada.

Le 25 septembre 2023

Les yeux fixés sur le Christ (Hébreux 12, 2)

+Raymond Poisson
Évêque de Saint-Jérôme-Mont-Laurier
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada