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« Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. » (Matthieu 28,8)

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Chers amis, 

Cette année, l’Évangile de la vigile de Pâques souligne à la fois la peur et la joie qu’ont vécues les premiers témoins de la résurrection et qui est aussi ce que nous ressentons aujourd’hui quand nous essayons de témoigner de la présence du Christ parmi nous. Jésus nous dit : « soyez sans crainte ». 

À la fin de la célébration eucharistique, lorsque l’envoi nous invite à aller dans la paix du Christ, proclamer la Bonne Nouvelle du Seigneur, nous revivons, d’une certaine façon, ce qui est arrivé à Marie Madeleine et à l’autre Marie devant le tombeau vide, il y a plus de 2000 ans. Ces femmes ont rencontré le Christ, et elles ont été envoyées, dans la peur et dans la joie, en parler aux autres. Elles y sont allées en tant que témoins, disciples, disciples investis d’une mission : comme disciples missionnaires. 

De quoi ces femmes avaient-elles peur? Peut-être craignaient-elles que leur crédibilité soit mise en doute et que leur message soit rejeté par ceux et celles qui le reçoit? Peut-être se sont-elles demandées si ce qu’elles venaient de voir et d’entendre était bien vrai ou si ce n’étaient que leur imagination? Peut-être ont-elles craint la répression des forces qui avaient orchestré la mort de Jésus? Peut-être était-ce simplement la peur de l’inconnu. Il y avait sans doute plusieurs raisons d’avoir peur ce matin de Pâques.

Toutefois, en même temps, leurs craintes étaient tempérées par une immense joie. Tout à coup, au plus profond de leur deuil, elles ont rencontré le Christ qui leur dit : « soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée: c’est là qu’ils me verront » (Matthieu 28,10). La joie qui jaillit de cette rencontre les pousse à aller proclamer la Bonne Nouvelle. C’est une joie qui ne peut se contenir, elles courent donc trouver les Apôtres qui s’étaient cachés parce qu’ils craignaient pour leur vie. « Il est ressuscité! », leur disent-elles. C’était une joie née de l’espérance. Une joie imprégnée de la conscience que l’amour de Dieu ne connaît pas de limites.

Comme les femmes qui ont rencontré le Christ ressuscité, nous aussi avons souvent peur. Nous craignons que notre message soit rejeté et jugé comme irrecevable, en particulier dans les périodes de prospérité où les personnes pensent qu’elles n’ont pas besoin de Dieu ou dans les périodes de désespoir et de souffrance comme celle que nous vivons maintenant avec la crise de la COVID-19. Devant cette pandémie surprenante, plusieurs craignent de perdre leur emploi à long terme et se demandent comment payer le loyer, nourrir les enfants et s’acquitter de leurs responsabilités avec des ressources financières réduites. Pour d’autres, telles que les personnes qui sont à l’hôpital et dans les établissements de soins de longue durée, la peur de l’isolement s’accroît alors qu’elles ne peuvent plus recevoir de visites. Les parents sont en peine d’expliquer la crise du Coronavirus à leurs enfants dont le quotidien a radicalement changé. Confrontée à la perspective de ne pas pouvoir se rassembler en paroisse à Pâques, « cœur de toute l’année liturgique », la communauté chrétienne se demande comment célébrer le Triduum pascal en famille de manière significative. Comment vivre cette période de crise comme une authentique église domestique à la maison?

Comment composer avec nos peurs? Comment nous consoler les uns les autres dans ce contexte? À l’exemple des femmes qui ont rencontré le Christ au tombeau, il faut réagir en allant dans la joie, confiants que c’est le Christ ressuscité qui nous envoie, qui nous accompagne et qui nous rassure. À l’heure de la distanciation sociale, de l’auto-isolement, de la quarantaine et de l’incertitude économique, nous sommes contraints à trouver de nouvelles façons de proclamer la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ. Saint Pierre nous demande d’être prêts à tout moment à rendre raison de l’espérance qui est en nous (1 Pierre 3,15). Aujourd’hui plus que jamais, le peuple pascal que nous sommes doit proclamer que le Christ est ressuscité, qu’Il nous a sauvés de nos péchés et qu’Il est avec nous pour toujours!

Peuple croyant, notre peur s’estompe devant la joie de notre rencontre quotidienne avec le Christ dans l’Eucharistie, dans la communion spirituelle, dans l’Écriture, dans notre prière, dans les pratiques comme le chapelet, et dans notre amour et notre compassion au service les uns des autres. Ces rencontres, même sur les réseaux sociaux, nourrissent le courage et la conviction de notre foi si bien que, même en ces heures terriblement exigeantes, nous pouvons proclamer avec audace, en paroles et en actes, la mort et la résurrection du Christ. Il nous a libérés du péché et de la mort, et nous partageons avec Lui la mission annoncée par Isaïe :

L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, et proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. (Isaïe 61, 1-2) 

Quand nous abordons nos peurs avec les yeux de la foi, nous sommes libérés et pouvons travailler vers une transformation spirituelle et sociale authentique et durable en nous attaquant aux injustices qui nous entourent tout en discernant les signes des temps, car Dieu est présent à chaque instant de notre vie quotidienne.

En célébrant Pâques, nous nous rappelons le Cierge pascal à partir duquel a été allumé le cierge qui nous a été remis au baptême et qui fait de nous des porteuses et des porteurs de la lumière du Christ envoyés comme disciples missionnaires porter Sa lumière au monde. Comme peuple pascal, nous avons rencontré le Christ. Nous Le reconnaissons et nous Le proclamons. Il nous a appelés et nous sommes libres de Le suivre. Allons-y, dans une fidélité toujours plus grande, les yeux fixés sur Sa lumière qui éclaire notre route. Allons dire aux frères et aux sœurs du Seigneur que le Royaume est tout proche, qu’Il est lui-même le Royaume ressuscité et vivant pour l’éternité.

Je vous souhaite à vous et à vos proches de saintes et joyeuses Pâques.


+Richard Gagnon
Archevêque de Winnipeg et
Président de la Conférence des évêques
catholiques du Canada