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Le matin du 4 août 2020, madame Hashem, une veuve de 75 ans habitant un modeste appartement du centre-ville de Beyrouth, décidait d’amener sa fille visiter son fils vivant dans un village de la région. Quelques heures plus tard, l’explosion du port de Beyrouth ravagea son appartement, la privant de son foyer. Si elle était restée chez elle, il est fort probable qu’elle et sa fille auraient été tuées, comme l’ont été 200 personnes ce jour-là. Madame Hashem et sa fille se sont plutôt retrouvées parmi les quelque 300 000 personnes sans abri.

par Carl Hétu, directeur, CNEWA Canada 
 
Avant cette journée fatidique, les 4,5 millions de Libanais étaient déjà aux prises avec des enjeux politiques, économiques et sociaux qui rendaient leur vie extrêmement difficile. Les guerres en Iraq et en Syrie avaient contraint plus d’un million et demi de personnes à trouver refuge dans ce petit pays, s’ajoutant aux quelque 500 000 réfugiés palestiniens déjà présents. Tandis que des politiques sectaires et la corruption paralysaient le gouvernement, la pandémie de COVID-19 a exacerbé l’anxiété généralisée, les restrictions et les contraintes sociales.

Selon l’édition du 1er juin du Lebanon Economic Monitor de la Banque mondiale, « la situation économique du Liban figure parmi les trois plus graves crises au monde depuis le milieu du XIXe siècle ». Certains craignent que l’explosion du 4 août s’avère le coup de grâce. Le pays est en ruines, et ce, à bien des niveaux. Il y a pénurie de nourriture, d’électricité, d’eau, de médicaments et d’essence. À cela s’ajoute la perte de quelque 480 000 emplois. 
    
Le pourcentage de la population vivant sous le seuil de la pauvreté est passé de 20 % à 55 %. L’explosion a contribué à une augmentation de la violence conjugale, à des traumatismes psychologiques, et elle a alimenté la colère de la population.
    
Actuellement sans gouvernement, le Liban tente de survivre. Heureusement, le pays compte un contingent important d’organisations non gouvernementales (ONG) bien organisées en mesure d’agir rapidement.

Présente au Liban depuis 1949, l’Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA) a pu recueillir, depuis la catastrophe, plus de 6 millions de dollars, dont plus d’un million provenant de dons de Canadiens, et ce, en aide directe d’urgence au Liban. Grâce à cette action solidaire, nos collègues de Beyrouth ont pu distribuer de la nourriture à 15 230 familles et contribuer à la réparation de deux grands hôpitaux de Beyrouth, ce qui permet de prodiguer à nouveau des soins à 100 000 patients hospitalisés et externes, et de faire en sorte que 1150 employés puissent retourner au travail. Nous avons notamment été en mesure de financer la réparation d’appartements endommagés et de venir en aide à des petites entreprises familiales.

En partie grâce à cette aide, madame Hashem a pu retourner chez elle il y a quelques mois. Toutefois, afin de se nourrir, elle et sa fille doivent maintenant avoir recours, pour la première fois de leur vie, à une banque alimentaire.

Malgré tous les efforts assidus déployés par la communauté des ONG à Beyrouth et dans la région, les fonds collectés ne suffisent pas à subvenir aux besoins toujours croissants d’une population en détresse. Voilà pourquoi, un an après l’explosion, la plupart des organismes d’aide internationale œuvrant au Moyen-Orient doivent lancer à nouveau un appel aux dons et aux prières pour le Liban. L’avenir de ce pays est en péril et la paix, fragile. Il a fallu 17 ans pour trouver une solution aux violents conflits qui ont dévasté le pays entre 1974 et 1991. Au terme de longues négociations, l’Accord de Taëf (plus connu sous le nom de Réconciliation nationale) a été entériné. L’heure est venue d’arriver à une entente ou à un compromis politique adapté à la nouvelle réalité. Toutefois, le temps joue contre nous.

L’implosion politique actuelle rend le pays vulnérable aux extrémistes qui ont une visée, voire une emprise, sur le Liban. Ceci serait dévastateur pour sa population et tous ceux qui entretiennent l’espoir de voir le Liban rester un exemple de pluralité et de diversité dans le monde.

Voilà pourquoi le pape François a convoqué au Vatican une Journée spéciale de prière et de réflexion pour le Liban, le 1er juillet dernier. Ses mots étaient particulièrement éloquents :

« En ces temps de malheur, nous voulons affirmer avec force que le Liban est, et doit demeurer, un projet de paix », a déclaré le pape, mettant en relief la vocation du pays, celle d’une terre de tolérance et de pluralisme, d’une oasis de fraternité où religions et confessions différentes se rencontrent, où communautés diverses cohabitent en mettant le bien commun avant les intérêts particuliers.

Un plan noble que les Canadiens ont du mérite à appuyer.